Se sentir perdu(e)

Laisser le temps passer sans que rien ne se produise, en apparence.
Le vide est important, il est le signe que quelque chose est en train de se produire.

Depuis quelques mois Sophie se sent perdue : quand ses amis lui demandent comment ça va, elle ne sait pas répondre. Elle ne se sent pas mal, mais elle n’a plus son énergie habituelle. Elle n’est  ni déprimée, ni angoissée, ni apeurée. Juste un sentiment de ne plus savoir comment avancer sur sa route professionnelle. 

Du coup, elle ne sait  pas dire ce qui va, ce qui ne va pas, est incapable de faire du tri. 

En marchant  l’une près de l’autre, sur un chemin de campagne, elle raconte : 

J’ai déjà traversé de telles périodes dans ma vie personnelle ou professionnelle. Elles furent douloureuses car accompagnées d’angoisses, de peurs, voire de paniques. Ce n’est pas aujourd’hui le cas,  même si je veille à vérifier régulièrement en me posant la question et en consultant.

Lorsque je suis en présence de mes clients, de mes collaborateurs, j’entre dans une écoute plus profonde, silencieuse.
Je questionne et j’écoute, je sens que c’est ce que j’ai à faire. J’éprouve une forme de paix, de joie de ne pas savoir, de lâcher prise

 En fait, être perdue me permet d’accueillir ce qui est.

Ces derniers jours, c’était pire. J’avais comme des vertiges, la nausée. Dès que je pouvais, je partais marcher. Dans la ville, dans la campagne, au bord de l’eau. La terre, les chemins, les herbes, les arbres, les cailloux, m’apaisent. Je me sens en communion avec leur silence. Je me repose sur eux et accueille leur douceur, leur énergie, leur amour. La vie circule en eux et me la transmet. 

Je  peux reprendre alors mon travail, m’atteler à mes tâches avec volonté, rigueur, précision, concentration. Je trouve de la joie dans la conscience d’exercer les gestes que j’aime accomplir : mes rendez-vous clients, mes projets, ma famille, mes activités personnelles. 

Accepter

J’accepte de continuer ainsi ma vie professionnelle en me sentant perdue.

Même si c’est inconfortable, j’intuitionne que cette période est un temps de grâce. Ces traversées du désert créent du vide, un état de vulnérabilité qui enseigne l’ouverture du cœur.
J’ai besoin de solitude, de communier avec la vie sous toutes ses formes. Je le fais.

J’en parle avec tranquillité à mon entourage sans crainte. C’est nouveau pour moi. C’est ainsi et l’accepte.  En fait, depuis bien longtemps, je tente de masquer une hypersensibilité. J’angoisse facilement. Les autres m’impressionnent. J’envie les personnes naturellement douées pour le bonheur mais je ne cherche plus à leur ressembler.

Lorsque mes clients parlent de leur business, leur CA, leur stratégie pour produire toujours plus, je les envie presque d’avoir ces inquiétudes-là. Car dans ces instants, je contacte l’indifférence à gagner ma vie.  

Serais-je en dépression ? Non, je ris, je mange, je suis heureuse, j’aime ma vie, les miens. Le ciel est beau, je prends soin de moi. Chaque personne qui me parle me réchauffe le cœur. J’existe, je me sens vivante reliée aux autres, au monde. 

Je suis juste perdue. Je ne sais juste plus ce pour quoi je suis là. 

Écrire

Plusieurs personnes m’ont conseillé d’écrire. Cela revient souvent.

Mais écrire quoi, pour qui ?

Depuis septembre, je me suis engagée avec moi-même à rédiger un article par mois. A quoi cela sert-il donc ?

Puis à nouveau l’invitation à écrire est venue. “Écris juste ce que tu vis d’abord pour toi”.

Jusqu’à présent mes articles de blog avaient pour ambition d’apporter quelque chose, de me rendre visible numériquement. Une manière de commercialiser mon offre. Parce ce qu’il faut bien non ? Vendre, présenter son offre, justifier ses prix, bref gagner sa vie. 

“Il faut bien que je gagne ma vie”. Nous y voilà, mon nœud existentiel est ici. Je n’ai pas envie, plus envie. Je veux vivre dans l’abondance, c’est-à-dire en harmonie avec moi-même, la terre, les êtres vivants en toute simplicité chaque instant de mon existence. 

Il y a dix jours, ma fille aînée s’est rompue les ligaments du genou. En vacances, en skiant, la veille de reprendre son travail. Opération en urgence. Arrêt de travail pour plusieurs mois.
Hier, elle confie qu’elle préfère cette douleur qu’avoir à retourner à son travail. Elle a 27 ans. 

Il y a un problème. Le temps pour assurer notre survie est fini et devrait être derrière nous.

Les humains sont programmés pour la vie, pour l’honorer avec leur cœur, leurs bras, leurs jambes, leurs intelligences. Le temps est venu de vivre cela. Nous avons atteint le niveau de connaissance pour construire ce nouveau monde dans lequel le travail est un lieu privilégié d’accomplissement des différents mondes.

Si je suis perdue, c’est pour trouver ce chemin.  Mon travail doit devenir un espace où je peux aimer, réaliser du beau, œuvrer à ouvrir le langage du cœur. C’est là que je suis bien.”

Là est le nouveau chemin que mon cœur désire. 

Je vais donc prendre le temps d’explorer, de marcher pour le trouver. 

Ce que décrit Sophie a été théorisé par Charles Taylor dans  » Les Sources du Moi – La Formation de l’Identité Moderne », éd. Seuil (1998).
Depuis la Modernité « les cadres sont devenus problématiques », se traduisant par le sentiment qu’il n’existe aucun cadre de référence partagé par tous, que la découverte d’un cadre crédible relève d’une quête.Ainsi comme nous ne sommes plus dans un monde traditionnel où les valeurs sont pérennes, les principes sur lesquels nous construisons notre vie sont temporaires, provisoires. Nous quittons un cadre et, avant qu’un autre ne se présente, nous entrons en crise au sens d’une remise en question. Cette traversée est normale.

Etre accompagnée peut aider à mieux la vivre afin de retrouver sereinement un nouveau chemin.

Et si l’histoire de Sophie vous a plu, que vous voulez connaître la suite, dites-le moi  ☺️,
Anne Finot, 14 mai 2023

2 Commentaires

  1. Ankaoua Gerard

    Je suis tellement en accord avec ce propos. Voici un monde merveilleux qui s’ouvre a qui videra Un peu de ce qui le REMPLIT pour Laisser la place
    D’ACCUEILLIR le nouveau. Laisser la place au langage du coeur en calmant le langage du mental,

    Il a tant a nous dirE ce coeur.
    etre a l’ecoute aussi de son corps depuis notre naissance accepte tout, fait au mieux, essai de noUs avertir que attention, trop c’esT trop, mais « allo » personne ne i’ecoute. Prenons donc le temps d’ecouter.

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