Nous vivons une période inédite : nous avons fait l’expérience d’un vécu extra-ordinaire né de la contrainte. Telle la chenille qui devient papillon, dans quelle mesure pourrions-nous passer de la contrainte à la joie ?
15 mars 2020 : En trois jours, une mise en confinement de la population est imposée pour faire face à un virus, le coronavirus…. Brutalement, nous avons alors expérimenté une atmosphère contraignante, à la fois individuellement et collectivement, tant sur le plan de notre santé que de nos déplacements, nos modes de vie, nos revenus, nos habitudes relationnelles, etc.. La moitié de la population mondiale a été confinée pendant 8 semaines sur une période d’environ 6 mois selon les pays, et l’évolution du virus. Nous pouvons alors réellement parler de contrainte car ces phénomènes se sont inscrits dans une durée significative. Elle a permis des ancrages profonds, suite à des vécus extra-ordinaires. Quelque chose s’est passé. En nous.
Comment réagissons-nous à ces formes de contrainte brutale, durable ? Nous pouvons observer trois attitudes possibles :
- le refus ou le déni de cette réalité qui peut se manifester par la critique systématique… La sur-analyse des experts, des scientifiques, les combats d’idées, la pluie de critiques face au gouvernement en sont des exemples.
- la sur-adaptation ou la peur avec des comportements de repli, de panique. La rupture de papier toilette en début d’épidémie en fut un exemple.
- et ce que nous appellerons la « transformation » ou l’assimilation qui, nous le pensons, est celle qui peut nous ouvrir de nouveaux chemins de la joie, à plus de vie, celle de la chenille qui se transforme en papillon, en termes métaphoriques.
Certains d’entre nous sont passés par ces trois phases, d’autres deux, d’autres encore une seule… Cet espace-temps contraint nous a donné la possibilité de mettre clairement en évidence ce qui nous a manqué, ce que nous ne voulons plus, ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. Et aussi ce que, soumis à la contrainte, nous avons découvert de nouveau, de surprenant, d’étonnant et que nous avons assimilé, digéré, transformé en des innovations personnelles et collectives.
Sur le plan existentiel, en étant confinés, nombreux sommes-nous à nous être questionnés profondément et à visiter les grandes données de l’existence :
- La rencontre d’une épidémie potentiellement mortelle pour les plus fragiles d’entre nous et la mise en danger voire l’arrêt complet des entreprises et des projets nous a mis en contact avec la finitude.
- La question de la responsabilité, et de sa « sœur jumelle » la liberté, nous a été rappelée en permanence. Santé et juridique coercitifs ont été brusquement et directement reliés, nos corps et les règles de vie en société rapidement connectées.
- Certains d’entre nous ont vécu une forme d’isolement, et ont visité la solitude existentielle de façon très aigüe. La restriction de nos relations concrètes nous a souvent ramené « à nous, à notre maison, à nos proches ».
- La question du Sens a pu s’inviter : dans quelle mesure ai-je envie de continuer ainsi, quel sens a ma vie sur cette terre ? Face à quelle absurdité suis-je mis ?
- Enfin ces contraintes nous ont mis en action – ou en réaction – sur la question des limites, des imperfections : non, nous ne sommes pas omnipotents, nos projets peuvent être stoppés et nos actions viennent se heurter aux écueils d’un monde « non parfait ». La science n’est pas toute puissante. La vie ne s’explique pas par une formule mathématique. Elle nous dépasse, nous surprend toujours. Elle est incertitude.
Alors que la force, l’impact des vécus et des questions se sont inscrits en nous, une nouvelle étape est déjà à l’oeuvre avec une phase de dé-confinement. Si la contrainte diminue, elle reste là inscrite dans nos chairs, dans nos coeurs, dans nos esprits. Elle a eu un effet et il nous revient d’en faire quelque chose. Cette expérience devient une opportunité extraordinaire de mettre en oeuvre un processus de résilience. Elle fut un espace-temps de sérendipité : oui nous n’innovons vraiment, placés sous la contrainte.
En effet, les contraintes, réelles ou imaginaires, viennent toujours nuancer notre pouvoir individuel : personne ne peut tout faire ni le faire parfaitement. L’écart entre l’univers des possibles et les désirs, ambitions et réalisations de chacun a été chahuté.
Prenons un exemple : Paul, étudiant, préparait avec acharnement le concours de Sciences Po depuis 2 ans. Pour des raisons sanitaires, celui-ci est annulé. Les règles de sélection changent. Brutalement, tout s’écroule. Paul a contacté clairement qu’il lui devient impossible de poursuivre ses objectifs : expérience concrète et terrible de ne plus être en mesure de poser ses désirs sur quelque chose, de ne plus pouvoir se projeter. Notre aptitude personnelle à sélectionner les meilleurs moyens d’atteindre nos objectifs a été sérieusement secouée dans cette période. Atteindre ses objectifs devint impossible, le contretemps du confinement s’imposait comme un obstacle majeur.
Comme Paul, nous sommes beaucoup à avoir fait l’expérience d’un mur qui nous a demandé de revoir nos objectifs. Comment avons-nous réagi ? Comment avons-nous transformé nos ressources, nos capacités ? Nous sommes-nous sentis à la hauteur de cet/ces inattendu/s/ ?
Notre monde tente de contrôler mais cela reste et restera totalement imparfait. Nous avons été exposés aux injustices, aux détresses, aux inégalités.
Nous avons aussi fait l’expérience de revenir « chez nous », vers notre essentiel : qu’est-ce qui me relie à la vie ? Qu’est qui m’est vraiment essentiel ? Quelles nouvelles amplitudes ai-je expérimenté pendant ce temps de confinement ?
Quels sont les risques psychologiques observés reliés aux contraintes ?
- On peut être dans le déni de ses limites réelles : mégalomanie, image de soi comme être supérieur avec, en général, un mépris des autres, du chauvinisme, des préjugés renforcés.
- Le rejet de la responsabilité sur les autres s’observe couramment également : « la faute de » (l’économie, la mondialisation, le pouvoir, la société, un pays, une race, les élites), adoption de la position simpliste « il faut qu’ils… », mise en place du phénomène de bouc émissaire.
- On peut aussi refuser de choisir, étant dans une incapacité de décision et un immobilisme, souvent douloureux.
- On se met à rechercher des expertises, certitudes totales, de compréhension absolue du phénomène, d’infaillibilité, avec toute l’arrogance que cela peut manifester envers les autres.
- On se prend à rêver et fantasmer un futur « plus jamais comme avant », fait d’omnipotence, de réussite parfaite.
- On élabore parfois un modèle admirable, permettant l’évitement du réel.
- On peut enfin prendre des risques démesurés, cécité souvent liée à des exigences personnelles énormes.
Comment éviter ces risques et faire de la contrainte, un temps de transformation, une assimilation de l’expérience pour plus de vie, plus de joie ?
Lorsque la chenille entre dans sa chrysalide, elle entre en confinement. Durant ce temps, elle se pend à son fil et ne tient que par lui. Elle se laisse transformer, son ADN change et lorsqu’elle est prête, elle sort papillon, avec des ailes. Elle ne rampe plus sur la terre mais vole dans les airs. Elle ne voit plus le monde du même angle et celui-ci a pris une dimension toute autre. La chenille se contraint totalement pour déployer de nouvelles ailes.
Lorsque le temps lui est venu, la chenille tisse scrupuleusement un cocon de soie puis s’enferme jusqu’à se pendre à un seul fil. Ce fil de soie est ce qui seul la relie à la vie. Pendant ces semaines de confinement, quel est le fil qui m’attachait à la vie ?
Dans la chrysalide, c’est un vrai chambardement. En une à deux semaines, les organes de la chenille évoluent donnant naissance à la nymphe, le futur papillon : le cerveau et les yeux grossissent, les antennes s’allongent, les mandibules rétrécissent et la trompe apparaît. Son ADN est métamorphosé ! Pendant ce temps de confinement, c’est un moment de total recentrage sur sa maison, sur soi. Que s’est-il passé ? De quoi ai-je pris conscience ? Quel est l’essentiel de mon essentiel expérimenté pendant ces semaines ?
Puis vient le temps de l’émergence du papillon. Celui-ci verra le jour quand les conditions extérieures (soleil, humidité) seront favorables. Et ça peut prendre jusqu’à plusieurs mois pour certains papillons. Pendant ce temps, la nymphe vit sur les réserves de nourriture faites par la chenille. Comme le nouveau papillon, sachons prendre le temps d’écouter, d’observer ce qui s’est métamorphosé en nous. Pour nous-mêmes, quelle est ma nouvelle terre ? Quelles sont mes nouvelles amplitudes ?
Nous vous proposons d’aller marcher de la Contrainte à la Joie à partir du vécu concret de la situation en phase de confinement-déconfinement afin que cette privation de liberté imposée par l’extérieur, cette menace de maladie inconnue devienne une nouvelle source de joie et non pas un mauvais souvenir.
Quels chemins, de la Contrainte à la Joie ?
Cycle de développement professionnel en itinérance active du 12 au 17 juillet en Cerdagne. Ce stage est consacré aux processus transformatifs et créateurs issus du vécu de la contrainte, selon l’approche La joie au travail© et Chemin Aidant® conçues par Anne Finot et Philippe Castan.
« Marcher, c’est retrouver son instinct primitif, sa place et sa vraie position, son équilibre mental et physique. C’est aller avec soi, sans autre recours que ses jambes et sa tête. Sans autre moteur que celui du cœur, celui du moral ». (Jacques Lanzmann)
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Anne Finot et Philippe Castan
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